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En septembre 2019, soit tout juste trois mois avant de tomber enceinte, j'ai passé plusieurs jours dans un ashram au Népal, situé dans la vallée de Katmandou.
Si mon séjour était construit sur la base d'une pratique accrue du yoga et de la méditation, j'en ai profité pour passer trois jours dans le silence le plus total.
Je savais que ce voyage introspectif se voudrait tout aussi dépaysant que n'importe quel séjour touristique, mais je n'imaginais pas à quel point il serait bouleversant.
Jour 1
Cela fait déjà trois jours que je séjourne à l'ashram. Mon quotidien est rythmé par un programme bien rodé à base de yoga, de nettoyages du nez, d'exercices de respiration et de méditation. Mon alimentation est strictement végan et je sens déjà que mon corps se nettoie.
Mais désormais, je souhaite détoxifier mon esprit et calmer ce mental qui m'assaille sans cesse depuis des années. Pour cela, je dois commencer par faire en sorte que mon égo arrête de s'exprimer afin de laisser la place à plus de sagesse et à une prise de recul que je n'expérimente jamais dans ma vie quotidienne.
La solution m'est proposée sans même que je la réclame: une retraite silencieuse de trois jours.
Bhakta, mon hôte, me remet un badge sur lequel est écrit "I am in silence".
Je suis tout émoustillée en l'agrafant sur mon t-shirt! Le temps de quelques secondes, je me demande même si je fais cette expérience pour moi ou pour pouvoir dire que je l'ai faite... Et cette perspective me déçoit.
Mais je sais pertinemment que cette aventure, je veux la vivre depuis longtemps. J'ai parfaitement conscience que je ne me suis jamais donnée l'occasion de me mettre à nu face à moi-même. Et quel endroit plus approprié pour vivre une telle expérience qu'un ashram situé dans le pays qui a bercé Bouddha?
Au cours de cette première journée, l'exercice ne me semble pas si ardu. Je me contente d'écouter les autres, d'observer. J'en profite même pour "m'absenter" mentalement sans que cela ne soit remarqué. Je perds le fil des conversations sans culpabilité.
Pourtant, très vite, je bous. Une aberration me parviens et j'ai la furieuse envie d'intervenir et de donner mon avis! Je ne suis pas d'accord avec ce que j'entends. Et même si je l'étais, j'aurais quand même envie d'imposer mon orgueilleux avis que je pense être au moins aussi important que ce que les autres racontent. En prenant conscience de cette pensée, c'est le choc. Suis-je à ce point égocentrique?
Jour 2
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J'ai passé une mauvaise nuit. J'ai fait plusieurs cauchemars, les uns à la suite des autres. Dans chacun d'eux, j'étais en proie à la colère et à l'angoisse.
Au réveil, j'ai envie de tout raconter, de trouver un sens et une explication à la nuit désastreuse que je viens de passer. Mais je ne peux pas m'exprimer. Cette fois, l'expérience se complique. Je garde tout pour moi. Je suis entourée physiquement mais je me sens seule et isolée. Comme dans une bulle où je me tiendrais moi-même compagnie.
J'ai l'impression de ne pas être importante. Que l'on ne fait pas attention à moi. Et pour cause, en ne parlant pas, je n'attire pas l'attention... Quelle sensation étrange! Je dirais même que c'est désagréable et vexant.
Finalement, la journée suit son cours. Je continue d'écouter ce qui se raconte mais, étrangement, je me surprends à ne plus émettre d'avis. Je ne suis ni d'accord, ni en contradiction avec les autres. Je suis un peu lasse.
Jour 3
Après une nouvelle nuit tourmentée, j'avoue que j'aimerais pouvoir m'épancher sur l'épaule de quelqu'un. Mais l'exercice m'impose de prendre sur moi et de faire preuve d'une patience surhumaine.
Paradoxalement, je ne me sens plus seule ni isolée comme c'était le cas la veille. Je me sens plutôt comme une force silencieuse. Les sons extérieurs me parviennent toujours évidemment mais j'ai l'impression que je me suis intérieurement arrêtée de juger. Mon vacarme mental semble avoir disparu!
Je me sens calme et reposée. Par dessus tout, je me sens à l'aise -voire en phase- avec moi-même. J'apprécie ma propre compagnie. Mieux, je découvre en moi une alliée infaillible! Cette sensation est magique.
J'entends les autres discuter mais même si l'on me donnait l'occasion d'intervenir, je n'aurais aucune envie de le faire. Quelle prouesse!
Jai gagné suffisamment de confiance en moi pour ne pas avoir besoin d'être validée par les autres.
Si encore ce que j'avais à dire avait une importance capitale, mais fut-ce un jour le cas?
Et après...
Lorsque Bhakta m'invite à reprendre la parole... Je n'ai pas envie de parler. Je ne ressens plus vraiment le besoin de me confier. Je suis presque déçue que ces trois jours soient déjà terminés!
Je lui parle quand même de mes cauchemars. Selon lui, ils sont le signe que mes toxines émotionnelles, enfouies et accumulées depuis trop longtemps, s'en sont allées pour de bon. Puisque je ne pouvais plus les exprimer, ces émotions dites négatives se sont manifestées autrement. Puisque je ne leur donnais plus de matière, elles m'ont libéré d'elles.
Les deux premiers jours de cette expérience ont été les plus pénibles. Et pour cause, ils m'ont fait prendre conscience de ma difficulté à prendre le temps d'écouter réellement les autres sans attendre impatiemment de pouvoir prendre la parole pour imposer mon avis, contredire quelqu'un, voire pour me mettre en avant. Ils ont permis de mettre en relief l'importance que je donnais à mon égo. Un égo qui s'évanouit dès qu'il n'est plus nourri.
Le dernier jour de cette retraite m'a quant à lui permis de développer une force intérieure qui avait toujours été là mais à laquelle je n'avais jamais donné l'autorisation d'exister.
Si aujourd'hui l'angoisse et la colère font de nouveau partie de ma vie, ma conscience de moi-même est restée intacte. Je suis désormais intimement convaincue que je suis ma meilleure alliée. Que je suis capable.
Et c'est fièrement que je peux affirmer être en mesure de me mettre à nu face à moi-même sans émettre le moindre jugement de valeur.
Pour finir, désormais, je fais encore parfois en sorte de me retirer silencieusement des grandes conversations. Je pense toujours que mon avis et que ma voix sont importants. Mais parfois, écouter les autres, paisiblement, est la meilleure des réponses et le plus cadeau que l'on puisse s'offrir à soi-même.
Laura
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